Best : Mai 1993 (n°298)

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Pourquoi, selon toi, David Lynch a-t-il fait appel à tes services ? Y a-t-il des similitudes entre vosdeux univers ?
Je ne sais pas... David Lynch tire à lui la musique des autres (la mienne entre autres) pour servir ses propres images. Il vous emmène dans un endroit différent. Il a placé "Blue Spanish Sky" (tirée de "Heart Shaped World"), une chanson avec une mélodie très jolie, sur une scène de viol. J'ai trouvé la démarche excellente. C'est une des meilleures scènes du film. Les paroles de "Blue Spanish Sky" décrivent les sentiments que l'on peut avoir quand tout autour de vous est en harmonie (le lieu, les gens) tandis qu'à l'intérieur on a l'impression de s'effondrer. Mais Lynch met ça sur un viol et inverse les données. J'aime ses films car ils sont très étranges, très violents, il n'hésite pas à prendre le risque de choquer les gens. Son problème, en fait, c'est qu'il a trop de talent.
Sur un tournage, il s'éparpille, il veut tout faire car il sait tout faire. Il faudrait quelqu'un qui lui dise : "Non David, filme et ne fais que ça !" (Rires)

Quel rôle joues-tu dans le "Little Buddha" de Bertolucci ?
Je suis le père d'un enfant de 9 ans. Très straight. (Il montre son costard noir). Ca, c'est le costume que j'ai eu du film... C'est toujours ça de pris... je joue un yuppie assoiffé de succès. Une sorte d'incarnation du matérialisme à l'occidental. Mais l'histoire est surtout celle du petit garçon, qui serait la réincarnation du Dalaï Lama. Cette hypothèse nous entraîne à travers de nombreuses aventures de par le monde... 

 

Est-ce que c'est un boulot complètement différent pour toi de jouer?
C'est difficile pour moi, car tout est nouveau. Je n'ai aucune expérience. Ce n'est pas comme chanter. Après toutes ces années à jouer dans les clubs, à tourner, à enregistrer, j'ai développé une technique. Je suis devenu un bon artisan ! Je sais très exactement ce que je peux ou ne peux pas faire... Mais jouer... De toute façon, je ne vais pas prendre des cours de comédie. Robert Mitchum avait ce génial aphorisme à ce sujet : "Prendre des cours pour apprendre à jouer, c'est comme prendre des cours pour apprendre à grandir. On l'a ou on l'a pas". (Rires)


Que fais-tu de l'image de Chris Isaak quand tu rentres dans la peau d'un personnage ?
Je n'ai jamais eu à jouer Chris Isaak dans les films que j'ai faits. Bertolucci ne voulait pas que j'ai l'air d'un rocker. Mes cheveux n'étaient pas gominés, je ne portais pas de veste en cuir, je ne jouais pas de guitare. Il y a des gens qui viennent me proposer des rôles de chanteur mais je refuse. Le plus angoissant pour moi serait de jouer mon propre rôle. C'est beaucoup plus excitant de prétendre, de jouer le rôle d'un autre. 

Il y a quelques années il était question que tu incarnes à l'écran Gene Vincent ...
Ca ne s'est pas fait ... Un chanteur qui joue un chanteur, ça m'a toujours paru étrange. J'adore sa musique, quelqu'un devrait l'incarner, mais pas moi. Et puis le résultat serait sans doute assez médiocre. Hollywood raterait le film comme à son habitude. Tu veux que je te dises pourquoi ? Parce que la vie humaine est trop subtile pour eux. Ils simplifient tout. Tu sais j'ai rencontré le batteur de Gene Vincent. On jouait avec mon groupe à Norfolk, Virginia, la ville natale de Vincent, C'était tellement étrange pour moi, être là quarante ans après. Après le concert, des gars du coin me branchent : "il y a un gars qui voudrait te voir, il dit qu'il était le batteur de Gene Autry (un cow-boy chantant des années 40). J'ai eu un doute : "Gene Vincent, vous voulez dire ?" Dès qu'il est entré, je l'ai reconnu. C'était Dickie Bebop Harold. Il était tel que sur les pochettes de disques, massif, avec un bouc. Simplement il portait un tee shirt de camionneur...

A propos de pochettes, quelles sont les images du rock qui t'ont marqué ? (Il hésite. Un silence.) La photo de "Heart Shaped World" faisait bien référence à une pochette de Chet Baker, non ?
Pas du tout. C'est un hasard total. Une assez jolie anecdote en fait. C'est une unique photo qu'un journaliste hollandais a pris à Amsterdam dans un hôtel cheap où il était venu m'interviewer... J'étais très fatigué. J'étais assis sur le lit, les yeux dans le vide... Quelques années plus tard, il m'a envoyé la photo. J'ai trouvé qu'elle irait bien pour l'album. En fait ta question me gêne. Dès que j'essaie de me représenter des images, mon esprit se reporte à la musique. 

Il faut dire que les albums que j'achetais quand j'étais môme, dans les Junk stores, n'avaient pas de pochettes. Ce n'est que récemment en rachetant les CD's que je les ai découvertes. Je me revois assis sur mon lit, entouré de disques, les écoutant et les réécoutant... 

Je me souviens seulement de l'excitation de la musique. Par exemple, je n'ai pas d'image favorite de Roy Orbison. Quand je pense à lui, je pense à Clovis, New Mexico, la ville où Norman Petty avait son studio d'enregistrement. Là-bas, j'ai joué avec les choristes de Roy Orbison, il y a quelques années de cela. J'ai rencontré la femme de Petty, quelqu'un d'adorable, très cool, qui m'a filé une pleine caisse de disques de Buddy Holly. Elle m'a invité chez eux, un endroit incroyable, au beau milieu de nulle part, dans le désert, une immense église remplie de pianos et d'orgues. Tous les deux jouaient du clavier. Quand je pense à Buddy Holly et aux autres, je repense à cet endroit car c'est là, pour une part, que le rock'n'roll a commencé. Si Buddy Holly devait ressusciter, c'est dans cette église qu'il apparaîtrait. 

Est-ce qu'il y a eu pour toi des films qui ont autant compté que certains chanteurs ?
Il y a des classiques comme "La soif du mal". J'adore ce film. Ou bien entendu "La nuit du chasseur". Il y a surtout un film étrange, apprécié bizarrement par beaucoup de gens, et très romantique. "La fièvre dans le sang", d'Elia Kazan, avec Warren Beatty (c'est son premier film) et Nathalie Wood. On les voit vivre une passion très forte au lycée, puis ils se séparent et on les retrouve quelques années plus tard. Chacun est rangé. Lui est marié et travaille dans une ferme. Et il n'ont plus rien pour l'autre que de l'amitié, de l'indifférence. C'est horrible et en même temps très émouvant. Il y a dans leur rapport cette affreuse politesse, cette horrible résignation. Ce que la vie peut vous faire... (songeur). Ce film pour moi ce fut... (un geste de la main exprime l'indicible). C'est un classique aux Etats-Unis. Beaucoup de gens pleurent en le voyant. Je crois que ça les renvoie à leur propre expérience, à leur innocence perdue. C'est tout l'art factice de la sophistication que vous apprend la vie. On troque ce qu'il y a de plus pur en soi pour des futilités. 

Justement au sujet d'innocence perdue, est-ce que le succès a changé des choses en toi ?
Le travail que je fais est très étrange. Cela me préoccupe beaucoup. J'ai peur à force de surmenage de devenir méchant ou égocentrique ou tout simplement déphasé. D'accorder trop d'importance à ce qui n'en a pas. Il faut toujours garder à l'esprit que le moteur dans ce bizness, c'est le profit. Des gens se font de l'argent à chaque fois que je chante, à chaque fois que mon disque passe. Pour moi, tout le plaisir est dans le fait d'écrire des chansons et de les chanter. Et j'essaie de m'y cantonner. Voyager est amusant mais là quand j'y pense, je me rends compte que je n'ai pas appelé ma mère depuis un mois. J'en suis à me demander comment je vais avoir du temps de libre pour la retrouver prochainement, elle et mes frères.
Tu sais, je ne serai pas populaire éternellement. Je m'attends toujours à ce que l'année prochaine plus personne ne veuille m'entendre chanter, plus personne ne veuille m'interviewer. Et quand ça arrivera, ce sera OK pour moi. le rentrerai chez moi et je prendrai ma guitare. 

Es-tu au courant qu'en France, la droite vient de l'emporter aux élections ?

Non, je ne le savais pas. Je ne suis pas très féru de politique. Et surtout je déteste entendre les chanteurs parler de politique. Pour être un chanteur, tu n'as pas besoin d'être intelligent. Tu peux être stupide et être un très bon chanteur. Les plus grands chanteurs du monde n'étaient pas des lumières... 

WILLIAMS/ZERGUINE

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Chris Isaak, le succès


Un des avantages de l'intemporalité de la musique de Chris Isaak, c'est qu'elle peut à tout moment prêter le flanc au succès, à une époque où les charts mondiaux se gargarisent névrotiquement du passé (clones, rééditions sans scrupules). Ainsi la carrière de l'Américain a pris un sérieux coup d'accélérateur quand David Lynch a rappelé au bon souvenir de tous (et particulièrement d'un disc jockey enthousiaste d'Atlanta) le déjà plus très frais "Wicked Game" (sur l'album Heart Shaped World, en 1989) en le plaçant sur la B.0. de Sailor Lula (1990). Résultat. la chanson se retrouve dans le top 10 américain et anglais (numéro 5 européen), entraînant à son tour la ressortie en Angleterre de "Blue Hotel" qui en 87 avait été un flop. Tout cela aboutissant à la compilation "Wicked Game" de ses trois premiers albums (la seule compile où les titres sont dans le désordre de leur sortie mais où ça ne se remarque pas ) qui atteint les 150 000 exemplaires en France. " J'ai été surpris par le succès de "Wicked Game". Je n'avais jamais eu un gros hit. Je recevais des coups de téléphone de partout de Bulgarie et d'ailleurs : "venez ici, ça marche très fort !" Si à cette époque on avait fait un film sur ma vie, on aurait vu les pages de calendrier se détachant au vent et des trains partant dans toutes les directions et traversant des villes étrangères" 

 

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