Crossroads : Juillet / Août 2002 (n°5)

 

Chris ISAAK

L'ÉTERNEL ROMANTIQUE

par Christophe Vignaud

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Confortablement installé sur la terrasse d'un palace parisien, le rocker à la voix de velours, Chris Isaak, reçoit pour parler de Always Got Tonight, son tout nouveau disque et le meilleur depuis Wicked game, en 1989...
L'auteur de "Blue Hotel" exhibe une superbe chemise hawaïenne de surfeur (qu'il est) et se montre complètement zen, bien décidé à jouir de tout et à ne se laisser tracasser par rien. Après quelques quinze années de carrière, on lui fait grâce du sempiternel chapitre sur ses influences (Roy Orbison, Elvis Presley, les Everly Brothers). Car Isaak, à l'instar de ses modèles, est un artiste qui s'inscrit dans une tradition, connaît ses racines et reste imperméable à toute mode ou courant qui le ferait dévier de sa trajectoire. Et lorsqu'on le titille sur le fait qu'il ne se renouvellerait pas suffisamment, il sort immédiatement de son cool tout Lebowitzien :  

Mes disques sont tous différents les uns des autres et je sais qui je suis ; ces disques racontent qui je suis. Je ne me cache pas derrière un masque. Oh bien sûr, je sais comment ça marche : voici le nouveau disque de Lady X; il est country et le prochain sera latino et surtout ne manquez pas son show techno-metal ! Sans parler des controverses et des ficelles utilisées pour faire parler du disque en question : elle est droguée, elle a épousé un nain ! Là, moi, je me dis : mais Lady X, qui es-tu ? Où veux-tu aller que veux-tu dire ? J'essaie, moi, de raconter des histoires, de jolies mélodies et basta ; je ne me sens pas concerné par une quelconque course à l'avant-gardisme musical.

 

Il faut dire que la sérénité qu'affiche Isaak aujourd'hui, cette liberté de pouvoir continuer à creuser un sillon hors des canons de la mode, ce n'est pas donné à tout le monde. Et l'intéressé en est bien conscient. Très tôt dans sa carrière, les tubes ont été an rendez-vous: "Blue Hotel" puis "Wicked Game" sur la B.O. de Sailor & Lula.

J'ai eu la chance d'avoir des hits, un de temps en temps pour que ma musique soit entendue ; mais je considère cela comme un miracle, compte tenu de mon style, de mes influences. Ce serait impossible de démarrer de zéro aujourd'hui. À la différence de tout un tas de songwriters talentueux qui rament aujourd'hui, j'ai eu assez régulièrement un tube qui ma empêché soit de me faire virer de mon label, soit d'être oublié du public. Cette longévité est une chance incroyable lorsque je pense à tous les artistes que je côtoie aujourd'hui et qui sont entourés de danseurs, d'un chorégraphe, d'un coiffeur, qui ne connaissent pas le nom des musiciens qui jouent pour eux; et ceux-ci la plupart du temps détestent jouer pour leurs employeurs, mais n'ont pas le choix, financièrement. Je suis un veinard. Mais pour beaucoup d'autres qui, comme moi, font leur musique chez eux, avec amour, en y mettant tout leur cœur selon un mode artisanal qui revient à cultiver ses légumes dans son jardin, ils restent dans un quasi-anonymat : évidement, le gros du public ne les connaît pas car les médias lui en a jamais parlé. Alors comment le public peut-il goûter ces fameuses tomates maison, lui qui a eu comme habitude de toujours manger au Mac Do ! Non, ce n'est pas gagné. Et pour revenir à ma carrière à moi, il faut aussi dire que je n'ai jamais arrêté une minute ; je suis un " non stop campaigner " ; j'entends parfois parler d'artistes qui ne veulent pas tourner, ne pas donner d'interviews. Le milieu ne pardonne pas cela, on ne peut pas avoir ce genre de luxe.

Pourtant, il semble que lui-même ait pris une pause récemment, avant d'enregistrer Always Got Tonight, notamment pour son show télévisé hebdomadaire, le Chris Isaak Show.
Non, non, absolument pas, répond l'intéressé. J'ai été en tournée, puis j'ai enchaîné sur mon show télé, soit trente-quatre shows d'une heure. Ce qui m'a laissé largement le temps pour ma musique. D'ailleurs, en plus de cet album, j'ai déjà quinze chansons mixées, prêtes à sortir. Comme ça, si demain je me fais écraser par une voiture, ma maison de disques peut sortir un disque posthume immédiatement (rires) !

Et justement ce show télévisé, que nous, pauvres européens n'avons pas pu voir, à quoi ressemble-t-il ? C'est un talk-show, mais je suis sur le plateau avec mon groupe ; on joue live et on reçoit des invités avec lesquels on jamme (les récents participants étaient les Goo Goo Dolls, Green Day et No Doubt).
Isaak est surtout étonné de pouvoir aujourd'hui avoir la vedette d'un show sur une télé nationale. Je n'en reviens pas, admet-il, et en plus, c'est intimement lié à ma musique, je n'ai pas le sentiment de me vendre. Je suis fier de cette émission. J'avais peur au départ d'être la risée de tous mes potes. Mais finalement, j'ai pu obtenir que mon groupe soit avec moi sur le plateau. Cela dit, le tout relève un peu du heureux accident, tant on s'aperçoit que les milieux de la télévision sont a des années lumière de là d'où je viens. Au départ, on me dit de jouer en play-back. Evidemment, je refuse et l'on me dit : comment allez-vous faire ? Messieurs, je leur dis, cela fait quinze ans que je joue avec mon groupe; si vous nous filmez, on est capable de refaire la prise vingt fois et cela sera raccord ! Résultat : jamais on n'a retouché le son d'une émission après son enregistrement. Tous nos invités assurent. Evidemment qu'une fille comme Stevie Nicks sait chanter !

Plutôt publiquement effacé et discret, Isaak a quand même interrompu l'enregistrement du show pour aller encourager les troupes US en Afghanistan, accompagné du chanteur country Dwight Yoakam et de la vedette télé Jay Leno. Pitre, il en profite pour partir dans un mini-show privé avec imitations à la clé, comme aux Guignols de l'Info : 

En fait, je suis allé là-bas pour distraire les soldats de Ben Laden ! Et les mecs, venez faire la fête, vous n'en avez pas marre de rester terrés dans vos grottes ? Et toutes ces barbes, ça démange pas un peu ? Oui j'étais là-bas avec une marionnette et je faisais le ventriloque ! Non, sérieusement, ce n'est habituellement pas mon genre de trucs et je sais bien que le monde entier a les yeux braqués sur les Etats-Unis, mais un pays où l'on interdit aux enfants d'aller à l'école, où l'on oblige les femmes à couvrir leurs visages, où se produisent des exécutions publiques, bref, où la liberté a été volée à un peuple entier : il me semble qu'il s'agit d'une noble cause que de soutenir tous ceux qui souhaitent aider ces gens à recouvrer leur liberté. Ce qui m'a vraiment étonné, c'est de voir, parmi les militaires du pays, autant de jeunes hommes et femmes, intelligents et beaux ; on aurait dit qu'ils étaient tous sortis d'un film; je devais avoir tellement d'idées préconçues sur ce peuple et sur les militaires en général ! Ils n'étaient absolument pas assoiffés de sang, mais juste déterminés et avaient le sentiment de faire quelque chose de juste ; les petites forces sont nécessaires, de toutes façons. Je sais, on dit que l'Amérique est là-bas à cause du pétrole. Mais jamais notre pays ne récupérera l'argent dépensé dans ce conflit. On verra. Et puis, je suis musicien !  ...
Justement, revenons à Always Got Tonight. C'est la première fois que Chris fait appel à un producteur étranger à sa "bande". 

J''ai voulu travailler cette fois avec John Shanks, explique-t-il, dans le but de pouvoir peindre avec des couleurs différentes. Un peintre qui utilise toujours la même palette, cela devient ennuyeux. Disons que là, j'ai pu employer une toile différente et des pinceaux tout neufs. C'est rafraîchissant car par exemple, sur la chanson "Notice The Ring", on a utilisé une flûte, un instrument a priori pas très rock'n roll mais cela fonctionne bien ". 
C'est d'ailleurs sur cette chanson, ainsi que sur le morceau-titre "Always Got Tonight" et sa guitare funky à souhait, qu'on se rend compte qu'Isaak ne fait pas du sur-place. Ailleurs, on retrouve ses ballades irrésistibles et les mid-tempos taillés pour la route qui ont fait son succès. Pour les fans du Monsieur, disons tout net que le nouveau Isaak est un bon cru ; pour les autres, c'est sans doute l'occasion, après le Best Of, de faire connaissance. Et les radios devraient, là, s'en charger tant le disque regorge de tubes. Comme ce "One Day" qu'on voit bien prendre le même chemin que "Baby Did A Bad Bad Thing". Un accident, s'écrie Isaak ! 

Chaque hit que j'ai eu fut un énorme coup de bol. Systématiquement, mes disques sortent, il ne se passe pas grand chose et puis un réalisateur met une de mes chansons sur la B. 0. de son film et c'est le carton ; ce fut le cas avec David Lynch, puis Kubrick. Ce n'est pas vraiment nouveau, le fait que le cinéma, un médium dix fois plus puissant que la radio, fasse d'une chanson un tube planétaire. Avant de devenir le classique que l'on connaît, le "Rock Around The Clock" était un succès d'estime pour Bill Haley. Un an après sa sortie, la chanson a été choisie pour figurer au générique du film Blackboard Jungle et... boum !.

On lui souhaite donc la même guigne dont il semble être l'heureuse victime. Avant de le quitter et de le laisser filer vers la Gare du Nord poursuivre son périple promo de l'autre côté de la Manche, on l'interroge sur ses derniers coups de cœur musique, ses derniers disques achetés. On ne se refait pas et c'est vers la mélodie que penche nettement le cœur d'Isaak : 

J'aime beaucoup Coldplay et, bizarrement, j'aime aussi ce que fait Moby, cela me relaxe. Sinon, entre les disques que je découvre, j'aime aussi revenir vers mes classiques comme les Louvin Brothers ou Hank Williams. Et puis il y a aussi Gram Parsons que j'ai re-découvert grâce à la double-compilation de Rhino. C'est son costume à paillettes de chez Nudie's, qu'il arbore sur la pochette, qui m'a attiré. Au début de sa carrière, Chris Isaak venait baver devant la vitrine de chez Nudie's en rêvant du jour où il pourrait s'offrir un costume semblable à celui de ses idoles. Aujourd'hui, il une jolie collection, presque aussi riche que celle de Marty Stuart, le glitter hillbilly.

 

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