Rock Sound : Mai / juin 1993 (n°5)

LE HÉROS TÉNÉBREUX

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Il est parfaitement logique que ce soit en France que Chris Isaak ait connu ses premiers succès. Le pays de la Série Noire et de la Cinémathèque ne pouvait pas ne pas reconnaître en lui, le héros ténébreux des couvertures de thrillers et des affiches de films en cinémascope et technicolor.

Sugar Kane et King Crecle - notre Amérique date de l'ère Eisenhower et les 501s ont trouvé refuge dans les disques de Chris Isaak, ou plutôt leur absence les hante, ce qui revient strictement au même. Les titres sans équivoque - de "The lonely ones" (1985) à "Lonely with a broken heart" (1993) - ne sont pas seulement le signe d'une incapacité à trouver l'âme soeur. C'est le deuil d'une Amérique perdue que porte le chanteur et c'est elle qu'il a entrepris de réanimer à longueur de disques. D'où l'inévitable rencontre avec David Lynch - chez nous, c'est au Gainsbourg de "Je taime moi non plus" (le film) qu'il aurait eu droit. 'Sailor et Lula' et "Twin Peaks" habitent la même faille spatio-temporelle que "Blue Hotel".

Réduite à quelques emblèmes - une mèche de cheveux gommée ou un cherry pie maison l'Amérique des 50's y est forcément tragique (nous avons affaire à une revenante) et fatalement séduisante, embellie qu'elle est par des nostalgies qui s'entrecroisent. Et comme au temps de ce vieux Dwight, il y a une justice qui revêt ici la forme d'une bonne fée : dans "Sailor et Lula" elle prend sous son aile les amoureux en fuite et leur donne une seconde chance - dans la réalité, elle fait de même avec un chanteur en butte à l'indifférence de ses compatriotes et, "Wicked game" aidant, relance sa carrière en remettant au goût du jour ces guitares qui sonnent comme l'écho tremblotant de lointaines Sun sessions. 

 

Mieux encore : "Sailor et Lula" permet à Chris Isaak de se libérer de ses oripeaux d'Elvis du pauvre ce rôle sera endossé dans le film par Nicholas Cage - et lui ouvre la voie vers d'autres personnages. 

Dans "Twin Peaks, Fire walk with me" il va ainsi voler la vedette à Kyle Maclachlan, agent Cooper un tantinet empâté et retrouver le temps d'une première demi-heure époustouflante l'esprit primesautier du feuilleton, que l'on chercherait en vain dans la noirceur psycho-gros sabots des sept derniers jours de l'horripilante Laura Palmer. L'agent du FBI, Chet Desmond, ne fera pourtant qu'un petit tour devant les caméras - envolé on ne sait où (derrière les sycomores, au pays des hiboux ?), il revient en musicien itinérant, à cheval entre deux carrières et au moins trois décennies : élégance estampillée Memphis 1956, revue et corrigée à la sauce Hollywood, son fraîchement durci par un orgue sixties et emploi du temps promotionnel implacablement contemporain. Toutes choses dont il s'explique volontiers, avec la courtoisie affable des professionnels endurcis derrière laquelle pointent bientôt les enthousiasmes du fan et la verve de l'auteur compositeur légitimement fier de son dernier né.

Lorsque nous vous avons vu pour la dernière fois, vous vous appeliez Chet Desmond et vous vous penchiez sous une caravane pour ramasser une bague...
Oui, c'était quand j'étais agent du FBI. Je me suis baissé pour prendre cette bague et j'ai disparu. Je n'ai jamais su ce qui m'était arrivé. Je l'ai demandé à David Lynch et il m'a répondu : 'Tu es parti, c'est tout". Le jour où cette séquence a été tournée, Lynch et un de ses assistants échangeaient des messes basses. "Tu l'as oubliée ? Ah bon, il va falloir s'en passer". Normalement, il aurait dû y avoir une machine destinée à faire des bruits étranges et des lumières mystérieuses lors de la disparition. Mais, ils l'ont oubliée ! Alors, il n'y a pas de transition.

Le film devait faire près de cinq heures à l'origine. Deviez-vous y réapparaître, ou faire un petit tour derrière le rideau rouge ?
Non. Mon rôle s'arrêtait là; de toutes façons. Je ne sais pas si je devais aller là d'où revient David Bowie. Le scénario était extrêmement mystérieux mais il me plaisait tel qu'il était. David Lynch est très doué pour utiliser la bizarrerie, pour faire croire qu'il est lui même un peu étrange, alors qu'il contrôle en fait très bien ce qu'il fait. Les types vraiment atteints ne sont généralement pas conscients de l'être, ils se croient normaux. C'est quand vous voyez un type tout nu, au coin de la rue, en train d'aboyer en se prenant pour un chien, qu'il faut commencer à vous méfier.

Comment votre collaboration avec Lynch a-t-elle débuté ?
Il m'a tout simplement téléphoné un jour pour me demander de faire la musique de "Blue velvet". Si vous écoutez bien, il y a deux de mes chansons dans la bande-son, en version instrumentale, "Gone ridin'" et "Livin' for your lover" je crois. Ensuite il y a eu "Wild at heart" ("Sailor et Lula") et j'ai eu ce hit avec "Wicked game". Je trouve cela intéressant de travailler avec David, il a toujours des idées inattendues, il ne fait pas ce que j'appelle des "Motel movies", ces films que l'on regarde d'un oeil distrait pour passer le temps. Il apporte vraiment quelque chose au cinéma.

Avant de jouer dans "Twin Peaks: Fire walk with me" aviez-vous suivi le feuilleton télévisé ?
Il est passé alors que j'étais en tournée. Je n'ai pas arrêté de jouer avec mon groupe pendant près d'un an et donc je n'avais guère le temps de regarder la télévision sauf très tard le soir. J'ai finalement rencontré l'agent Cooper, Kyle Maclachlan, pendant le tournage de "Fire walk with me". C'est quelqu'un de très drôle qui a un grand sens de l'humour. Lorsque MTV m'a décerné une récompense, nous avons préparé un petit sketch avec Kyle qui jouait le rôle de mon patron et m'ordonnait de lui préparer un café.

Dans une interview réalisée pour Philippe Garnier vous disiez, au moment où votre premier album est sorti, que vous étiez plus intéressé par le métier d'acteur que par celui de chanteur. Quel genre de films aimiez-vous alors ?
J'ai toujours aimé les film sombres, les héros tragiques. Les personnages francs comme l'or ne m'attirent pas, ils m'ennuient même. J'ai souvent dit que j'adorais Robert Mitchum, dans "La nuit du chasseur" en particulier. Le rôle, avec "amour" et "haine" tatoués sur les mains, j'aurais aimé le jouer. Aujourdhui, j'ai peu le temps d'aller au cinéma, je regarde de vieux films, tard la nuit et j'ai récemment revu le film d'Orson Welles "La soif du mal". C'est vraiment extraordinaire. La dernière scène, juste avant le générique, avec la musique en arrière fond, est superbe : Marlène Dietrich parle du personnage d'Orson Welles, le policier corrompu qui vient d'être tué et elle dit :"De toutes façons, quelle importance cela peut-il avoir, ce qu'on dit d'un homme, une fois qu'il est mort". C'est tragique, c'est laconique, c'est beau.

Un film de Terence Malick du début des 70's vient de repasser à la télévision en France. Il s'intitule "Badlands", et son atmosphère me paraît assez proche de certaines de vos chansons. L'avez-vous vu ? 
Oui, il y a longtemps, chez moi, à Stockton. C'est devenu une sorte de petit classique aujourd'hui. Je me souviens d'une atmosphère très originale. Sissy Spaceck jouait dedans, n'est-ce pas ? Il y avait une scène où le héros abattait un homme et ensuite il parlait à son cadavre comme s'il avait encore été en vie. Et à la fin, quand il se faisait arrêter, il était tout fier parce qu'un policier lui disait qu'il ressemblait à James Dean. C'était assez drôle...

 

Vous propose-t-on beaucoup de rôles aujourd'hui ?
Oui, de toutes sortes. Policier, tueur, père de famille. Je crois que je peux être utilisé de façons assez différentes. Je viens de tourner avec Bertolucci et je joue un père dont le fils est peut-être la réincarnation d'un prêtre tibétain ?

Un prêtre tibétain ?
Oui, encore une histoire étrange. Ils se sont mis à trois pour écrire le scénario. Bertolucci lui-même, Rudy Wurlitzer et Marc Peploe. Ça m'a permis de visiter Katmandou, de voir des paysages fantastiques, de tourner dans un monastère boudhiste. Aujourd'hui, je mène de front deux carrières et je n'ai pratiquement pas un instant à moi.

Vous avez participé à deux films "Le silence des agneaux" et "Fire walk with me" qui sont des histoires de tueurs psychopathes. Est-ce un hasard ?
Tout à fait ! Je n'y suis pour rien !

Dans "Sailor et Lula" Nicholas Cage chante deux vieilles chansons d'Elvis. Vous qui êtes calé sur la question que pensez-vous des versions de Cage ?
Elles sont bien. Nicholas ne se prend pas pour Elvis, il joue seulement le rôle d'un personnage qui, lui, fait une fixation sur Elvis et je dois dire qu'il s'en sort très bien.

Vous-même, on vous a souvent comparé à Elvis.
Je n'y peux rien. Je n'essaie pas consciemment de lui ressembler mais j'ai toujours adoré ses chansons. Il y a quelque temps, j'ai retrouvé une liste de morceaux, mon "Top Ten" du temps où j'étais au lycée. Il y avait des choses assez variées - Hank Williams, la musique du "Pont sur la rivière Kwaï (il fredonne le thème), du Doo Wop avec les Jive Bombers, toutes sortes de trucs assez étranges. Il y avait aussi le "I'll never let you go" d'Elvis qui date des Sun Sessions. Certains de ces disques étaient en 78 tours, à Stockton, il y avait une sorte de grande solderie où l'on trouvait de tout, des vêtements et des piles de disques posés par terre, très bon marché. J'en achetais parfois une cinquantaine d'un coup et je rentrais chez moi, je les écoutais et le lendemain je retournais à la solderie. C'est ainsi que j'ai découvert les musiques dans les plus grands désordres, un peu au hasard.

Vos goûts ont-ils beaucoup évolué depuis ? 
Le plus gros progrès que j'ai fait depuis cette époque a sans doute été de découvrir Bo Diddley et Otis Redding.

Pour Bo Diddley, ça s'entend un peu sur votre nouveau disque, la guitare est plus sauvage.
J'ai joué de la guitare moi même sur cet album, je crois que je suis sur huit des morceaux. Sur le premier album, je jouais sur "In the heat of the jungle", il y avait déjà quelques effets de distorsion. Sur le nouvel album, je joue un peu dans ce style sur "Round and round", j'ai utilisé une guitare jouet qui, habituellement, est vendue à des gosses. J'ai trouvé ça dans un magasin, une chaîne qui s'appelle Toys R Us. Je regardais les jouets et j'ai vu cette guitare avec un haut parleur incorporé, ce qui évite aux gosses de devoir acheter un amplificateur. Ça fonctionne avec des piles, j'en ai acheté une par curiosité et j'ai bien aimé le son. Je l'ai apportée au studio et j'ai annoncé que je voulais jouer avec ma nouvelle guitare. L'ingénieur du son a fait une drôle de tête, ça a été assez difficile de la garder accordée pendant toute la chanson mais je suis plutôt satisfait du résultat final. Le son est très distordu.

Ça peut faire penser aux Cramps qui ont souvent des pochettes qui ressemblent un peu à votre bague (Chris Isaak arbore trois bagues, dont une représente une créature à mi-chemin entre Marilyn et Jane Mansfield).
Je connais les Cramps, j'ai joué des premières parties de concert avec eux autrefois. Pour ce qui est de la bague, elle fait partie des rares objets personnels que je peux emporter en tournée. C'est un peu une plaisanterie mais en fait, j'aime vraiment ce genre de mauvais goût. J'y suis attaché, elle me tient compagnie quand je suis loin de chez moi.

Pour en revenir à la distorsion, il y a une chose très nouvelle sur "San Francisco days", c'est l'utilisation d'un orgue qui sonne parfois assez punk sixties.
Oui c'est vrai sur "I want your love". Toute la nuit précédant l'enregistrement,

je m'étais demandé comment l'orgue devait sonner, j'en jouais en cherchant le bon son, je traficotais l'ampli, pour que le son soit le plus distordu possible, qu'il soit un peu haché, comme quand on écoute un mauvais poste de radio. A la fin, l'orgue dérape complètement. J'ai obtenu ça en jouant avec deux doigts, en les promenant au hasard sur le clavier, le plus vite possible. Cet orgue datait des 60's et donc le son est un peu rugueux... J'aime bien essayer des instruments nouveaux, l'orgue, la pedal-steel guitare. Pour le prochain disque, je songe à utiliser un instrument hongrois qui s'appelle le cymbalum. Je ne cherche pas à dérouter mes fans, je pense qu'à la première écoute, ils reconnaîtront Chris Isaak, mais je ne veux pas refaire la même chose indéfiniment. Je ne veux pas faire le retour de "Wicked game", deuxième partie !

Votre disque s'intitule "San Francisco Days". L'atmosphère particulière de la ville a-t-elle influencé les chansons ?
Pas sur tout l'album mais sur la chanson qui porte ce titre, ça ne fait aucun doute. Quand j'évoque le fait de marcher sur la plage, ce n'est pas un simple cliché, pour moi, ça correspond à une réalité précise, aller me promener sur Market Street ou vers le Golden Gate Bridge, tout cela fait partie de ma vie et évoque des souvenirs d'endroits où je suis attaché. J'habite près du Golden Gate Park, je vis dans un quartier qui n'est pas très chic, les maisons sont assez ordinaires mais la vue sur l'océan est splendide. Je suis très près de la plage.

Avez-vous ressenti les effets de l'épidémie de Sida à San Francisco ?
Je suis très conscient de ce drame. Quand vous verrez l'album, vous constaterez qu'il est dédié à un ami du groupe, Louis Beeson. Il est mort des suites du sida récemment, il nous avait accompagnés en tournée depuis nos débuts, à l'époque où nous conduisions encore notre camionnette nous-mêmes. Il s'est occupé de notre son pendant des années, nous avons partagé des chambres d'hôtel avec lui, nous avons fait de longues marches dans Paris, c'était un type adorable et il a été contaminé par le sida, il est décédé l'an dernier. Nous savions depuis plus de deux ans qu'il était malade, nous savions qu'il était condamné et ce genre de chose vous fait vraiment toucher du doigt la réalité de cette maladie.

L'atmosphère générale de l'album est assez sombre, comme sur vos disques précédents.
Ce genre de chanson me vient naturellement, seul, le soir, chez moi ou dans un chambre d'hôtel. Je ne fais aucun effort pour donner une image de solitaire ténébreux et tourmenté. Ce serait d'ailleurs assez idiot, les gens ne sont pas spontanément attirés par les histoires tristes. J'aimerais que mes chansons se terminent de façon optimiste, ça me plairait vraiment mais c'est rare.

Il y en a une qui l'est, c'est "Except the new girl". Mais alors que les chansons tristes sont à la première personne, celle-ci...
... est à la troisième personne. Je sais, on me l'a déjà fait remarquer. Je suis très fier de cette chanson, elle me plaît vraiment, la pedal-steel guitare y est émouvante, je crois qu'elle peut toucher tout le monde. A l'origine, il s'agissait de personnes réelles, dont plusieurs se sont retrouvées synthétisées dans les personnages de "Except the new girl". Le point de départ vient d'un ami de mon père qui vivait à Stockton. C'était un boxeur, il a eu un accident de voiture et cela a eu des séquelles au niveau cérébral. Les gens le croyaient fichu, ils pensaient qu'il ne s'en remettrait jamais, sauf sa petite amie qui a tenu le coup, qui est restée avec lui et des années après, ils sont encore ensemble. J'aime bien cette idée d'un type un peu macho et d'une fille qui est assez solitaire, des gens qui ne sont peut-être pas particulièrement beaux et qui se rencontrent et qui forment le couple parfait. On voit parfois ces couples vraiment étranges, deux personnes qui s'aiment, le type la regarde comme si elle était Marilyn Monroe et la fille le prend pour James Dean, on les regarde et on se dit : "Mon dieu, où vont-ils chercher ça ?". C'est chouette quand l'amour permet cela.

Il vous est donc plus facile de chanter le bonheur à la troisième personne qu'à la première.
Là, il s'agit bien d'autres personnes qui m'ont inspiré. Il y a un vers que j'aime bien : "see him smile, he doesn't care" (Regardez-le sourire, ça ne le dérange pas). J'adore cela, c'est le contraire absolu de l'image traditionnelle du macho solitaire, replié sur lui-même. Quand on rencontre enfin quelqu'un dont on se soucie davantage que de l'image de soi que l'on montre aux autres, là on est amoureux. Si on veut vraiment être macho, on ne parle pas de ses sentiments. Là, il dit qu'il aime la fille et qu'il l'aimera toujours. Et la pedal steel guitare est parfaite pour retranscrire ce registre émotionnel...

C'est très sérieux, pourtant sur scène vous aimez plaisanter.
J'aime que les gens prennent mes chansons au sérieux ce qui ne signifie pas qu'il faut nous prendre au sérieux, moi et les membres du groupe. J'aime rire avec le public, raconter quelques plaisanteries. Il y en a dont je me souviens et que j'utilise plusieurs fois. Celles qui ne marchent pas, qui tombent à plat, je m'en souviens toujours.

Vous avez le sens de l'humour mais vos personnages l'ont moins: ils sont tendus, ils espionnent leur petite amie qui les a quittés ("Beautiful homes"), ils croient la reconnaître dans chaque fille qu'ils croisent ("San Francisco days") ils attendent toujours le train qui la leur ramènera ("5:15")
Cette dernière chanson aurait dû être encore plus inquiétante. C'est l'histoire d'un type dont la petite amie est partie en train et depuis, il va tous les jours à la gare et dans sa logique à lui, c'est mathématiquement fatal : un train l'a emmenée, un autre doit la ramener. Il pense qu'il y a une logique interne dans les mouvements des trains, une logique et un rythme. Sa vie tombe en morceaux et il regarde les trains, tous les jours et sur le quai, les passagers ordinaires se disent "Tiens, le revoilà". A l'origine, il devait être vraiment obsédé mais quand j'ai enregistré la chanson, je me suis dit que c'était peut-être un peu trop pour les auditeurs, je l'ai allégée un peu.

Néanmoins, le thème de l'obsession revient souvent dans vos paroles.
Ça n'est pas forcément sinistre ! Quand j'ai eu ma première petite amie, je devais avoir quinze ans, mes parents voulaient partir en vacances et moi je refusais. Je voulais rester avec elle. Ils m'ont dit "Arrête de faire l'idiot, monte dans la voiture et plus vite que ça". Et nous sommes partis pour une petite station balnéaire quelconque. Et là, au restaurant, sur la plage, je la voyais partout. Je crois que l'obsession peut être quelque chose de très positif, on ne se sent jamais aussi vivant que lorsqu'on est obsédé par quelque chose. C'est extrêmement stimulant. Il suffit d'avoir une idée fixe - pour moi, à l'heure actuelle, c'est ma musique.

Comment se situe votre musique aujourd'hui par rapport aux groupes à la mode aux USA ?
Je ne sais pas. J'aime bien des groupes comme REM, je n'ai rien contre Nirvana. Je ne crois pas que mon public soit forcément différent de celui de ces groupes. Je sais que la presse compare volontiers les artistes, c'est inévitable mais je n'ai jamais rien fait pour volontairement ressembler à qui que ce soit d'un point de vue musical. Je me souviens qu'au cours d'un enregistrement, je me suis mis, un jour, à hurler et on m'a fait remarquer que mon cri ressemblait à un cri de John Fogerty. J'ai alors essayé de pousser un hurlement à la Fogerty, j'y suis arrivé mais je me suis dit que finalement, il valait quand même mieux que je me contente d'un hurlement à la Chris Isaak !

Le succès mondial de "Wicked game" a-t-il beaucoup changé vos perspectives de carrière ?
Oui, en ce sens que lorsque j'ai enregistré "Heart shaped world", mon contrat avec Warner Brothers touchait à sa fin. Si je n'avais pas eu ce hit, ils ne l'auraient sans doute pas renouvelé mais comme "Wicked game" a bien marché, ils ont dit "bon travail", ils m'ont resigné et là je suis tranquille pour un certain temps. Je subis une pression beaucoup moins forte et en même temps ma vie s'est compliquée. Je fais une tournée promotionnelle en Europe, la semaine prochaine, je rentre aux USA et je dois être filmé en direct par satellite pour "Top of the Tops", ensuite, il y aura une grande soirée avec six cent invités pour le lancement du disque. Dans tout ça, j'ai peu de temps pour moi-même et je suis assez impatient de pouvoir me retrouver seul. Je ne tiens pas à être sans cesse au centre de l'attention de tout le monde. Au cinéma, j'aimais bien les acteurs comme Robert Ryan qui jouaient souvent des seconds rôles, sans trop se faire remarquer.

Savez-vous quels seront vos prochains rôles ?
Pour l'instant je suis surtout impatient de recommencer à jouer en public.

Nous verrons-vous sur scène en France ?
Oui, je crois que je dois venir cet été, début juillet (93) sans doute.

interview réalisée par Bruno Juffin
photos ROBIN

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